Sachina Mizobe: quand le cuir prend vie…
Il se tient en ce moment à Paris une exposition consacrée à une talentueuse créatrice japonaise. Mizobe Sachina, originaire de Kobé, présente à la galerie Sway dans le 3ème arrondissement sa collection “énigmatique”, une série de sacs en cuir conçus comme des prolongements organiques de la silhouette. C’est la dimension éminemment artistique de ces créations qui est mise en lumière ici, car c’est bien le corps et ses fonctions qui sont au cœur de l’inspiration de la designer japonaise.C’est la première fois que cette collection s’expose en France. A cette occasion, Mizobe Sachina a répondu aux questions d’Asiacope.
Mizobe Sachina
Asiascope:Tout d’abord, pourriez-vous présenter votre parcours au public français?
Mizobe Sachina: Après le lycée, je voulais me consacrer à la confection. Je me suis dirigée vers l’art, plus particulièrement la confection d’accessoires. J’ai commencé à travailler l’or, mais je me suis rendue compte assez rapidement que cela ne me convenait pas. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré pour ainsi dire le cuir, et que j’ai décidé d’en faire mon matériau de prédilection.J’ai travaillé dans une boutique de maroquinerie, et j’ai ensuite créé ma marque “Enigmatique” lorsque j’étais encore étudiante.
En ce qui concerne le travail du cuir en lui-même, je l’ai appris par moi-même. C’est en expérimentant que j’ai appris à obtenir le résultat que je souhaite.
A: Vous concevez des sacs que vous envisagez comme des organes. Est-ce le cuir qui vous a amené à cette inspiration, ou bien est-ce une vision que vous aviez déjà auparavant?
MS:En fait, ce contact initial avec le cuir a réveillé en moi un souvenir d’enfance. Quand j’étais petite, en cours de biologie nous avions étudié le corps humain et les organes , et c’était quelque chose qui m’avait beaucoup intéressée: leur formes, leurs fonctions…. Tout cela m’est revenu lorsque j’ai touché du cuir, j’ai reconnu des formes que j’avais vues petite.Pour moi, cette matière est vraiment un prolongement de cette vision.
A: Comment choisissez-vous le cuir que vous travaillez?
MS:La matière est primordiale. Je touche, je porte le tissu, et c’est ensuite que j’imagine l’accessoire qu’il va devenir. La texture, la couleur vont me dire ce que je pourrais créer.
J’utilise essentiellement des cuirs que je trouve au Japon. J’ai toujours voulu utiliser un matériau issu de ma région, la préfecture de Hyogo. Je me sers donc de cuirs de Kobe, Himeji ou Tatsuno. Mais j’avoue être très curieuse d’autres cuirs, donc je pense chercher un peu plus loin. Je suis tout particulièrement à la recherche de teintes rouges que je n’arrive pas à trouver à ma convenance au Japon. Les cuirs que l’on trouve en Europe ou ailleurs se rapprochent davantage de ce que je recherche.
A: Votre séjour en France pourrait donc vous donner l’occasion de poursuivre votre quête?
MS:Ici, je cherche le rouge même en marchant dans la rue!Je perçois de multiples teintes de rouge dans les enseignes par exemple, partout où mon regard se porte. C’est une couleur qui m’attire beaucoup. Je compte également dans ce but visiter l’Espagne et l’Italie.
A: Que représente pour vous exposer pour la première fois en France?
MS: Lorsque j’étais plus jeune, mes “senpaïs” me disaient qu’à Paris, les gens jugeaient les créations à leur juste valeur. Ils me disaient qu’il était vraiment important que mes œuvres soient vues et évaluées hors du Japon, car j’aurais ainsi des opinions franches sur mes créations. C’est bien évidemment un challenge, mais c’était important pour moi.
Le public qui est venu pour l’instant à la galerie apprécie l’originalité de mes accessoires, mais a également attiré mon attention sur le côté pratique.Dans ce but, ils m’ont incité à travailler d’autres matières que le cuir. Je ne compte pas changer mon thème qui me lie aux organes, mais cette exposition a également un autre thème: “porter”. En japonais, il existe un très beau verbe pour exprimer cette idée : 纏う (matou), qui signifie porter, se vêtir . Pour ce thème, il parait en effet pertinent de chercher d’autres tissus. Je vais donc mélanger ces deux notions à l’avenir.
A: Pour conclure, quels sont vos projets futurs?
MS: J’aimerais faire d’autres expositions comme celle-ci à l’avenir. A mon retour au Japon, je chercherais d’autres matières, je ferais des tests pour continuer à approfondir mes deux thèmes de prédilection afin de réaliser toujours plus d’œuvres.
A: Merci beaucoup!
L’exposition permet de découvrir l’univers original et sensuel de Mizobe Sachina. Vous pourrez bien évidemment toucher et même porter les modèles exposés, et ainsi vous immerger dans ces créations organiques. Une expérience inédite.
énigmatique par mizobe sachina