Interview,  Japon

Le rêve japonais du youtuber Mitsu

Crédit photo: Mitsu

Si vous êtes fans de la culture japonaise, et avides d’en savoir toujours plus sur l’archipel, vous êtes peut-être déjà tombé sur les vidéos de Mitsu, youtuber français établi au Japon. Si ce n’est pas le cas, c’est le moment de découvrir le parcours tout simplement bluffant de ce toulousain , qui , à seulement 19 ans, a quitté sa région natale pour s’établir au Japon. Rencontre avec un homme aux multiples talents, et à la destinée incroyable.

Propos recueillis en juillet à Japan Expo 2023.

Asiacope: Commençons par les présentations!

Mitsu: Bonjour!Je m’appelle Mitsu, j’ai 32 ans. J’habite au Japon depuis près de 12 ans maintenant. Je suis venu en tant que musicien, mais au final, la vie et la chance m’ont permis de faire beaucoup d’autres choses. Depuis 2 ans, j’ai lancé ma chaîne Youtube qui s’adresse à un public français sur laquelle je parle de mes différentes expériences au Japon. J’essaie également de debunker ( ndr: démentir, démythifier) certaines idées fausses sur ce pays.

Pourquoi le Japon?

C’est une longue histoire! Selon ma mère, j’ai appris à lire très tôt, et je lisais beaucoup de bouquins sur l’Asie, en particulier sur le Japon. Plus tard, ma mère m’a acheté une Super Nintendo, et j’ai commencé à jouer aux jeux vidéos. Je me suis dit que la culture de ce pays était incroyable et qu’il fallait à tout prix que j’y aille. J’avais alors 5, 6 ans. J’ai aussi toujours également aimé la musique et j’ai découvert la musique japonaise lorsque j’avais 8 ,10 ans. C’était ce que j’avais envie de jouer. Je me suis dit qu’il fallait que je parle la langue , et j’ai donc commencé à apprendre par moi-même. J’ai plus tard eu un groupe dans lequel je chantais en japonais à Toulouse. Là-bas, j’ai fait connaissance avec la communauté japonaise locale. Elle m’a apporté 2 choses essentielles: la maîtrise de la langue et la connaissance des codes sociaux japonais.

Petit Mitsu deviendra grand! Crédit photo: Mitsu

A 19 ans, je suis parti au Japon, en Mars 2011 ( ndr: date de la catastrophe de Fukushima). J’avais pris un visa d’un an et j’avais des rêves plein la tête. Je me disais que sur cette période , j’allais voir ce que ça allait donner, mais j’avais vraiment l’espoir que ça dure. Et au final, 12 après, je suis encore là.

Qu’est-ce qui t’a motivé à ouvrir ta chaîne Youtube après tout ce temps passé au Japon?

L‘élément déclencheur, c’est Louis-San ! Pour donner un peu de contexte: J’ai fait beaucoup de choses différentes depuis que je me suis établi au Japon. J’ai entre autres travaillé dans le milieu des médias , par exemple en tant que modèle. A partir de 2017, cette activité fonctionnait tellement bien que c’est pratiquement devenu mon activité principale. Jusqu’en 2020, je travaillais donc à plein quand le Covid est arrivé. Dans ce domaine, on est payé à l’acte, donc il ne se passait plus rien: plus de publicité, plus d’émissions… C’était une période bizarre. Il n’y a pas eu de confinement comme en France, mais les gens restaient chez eux en règle générale. Je vivais sur mes économies.

Mitsu et Louis-San. Crédit photo: Mitsu

A l’époque, je suivais un peu Tev et Louis. Un jour je me lève, je prend mon café et je vois sur Twitter que Louis vient au Japon, et recherche un photographe. Moi je faisais des photos de loisirs, et je me suis dit qu’il devait sûrement chercher un profil de pro, avec de l’expérience. Je n’ai donc pas répondu, mais le lendemain, un ami m’avait tagué sur la publication, alors j’ai envoyé quelques photos. Quelques jours plus tard, Louis me répond en disant que j’étais le seul à lui avoir envoyé les types de photos qu’il voulait. On s’est rencontré ensuite, on a discuté…Au bout d’un moment , Louis me dit :” Attend un peu. Tu sais parler japonais, tu sais monter des vidéos, tu as pleins de contacts au Japon… Pas moyen que je ne travaille pas avec toi!”Une semaine après, on tournait la vidéo sur les tatouages au Japon. Il m’a ensuite présenté Tev, et tous les 3, on s’est liés d’amitié. Ils m’ont encouragé à lancer ma chaîne pour partager mes anecdotes et mon expérience. J’étais un peu sceptique au début parce que je ne pensais pas que ça pouvait intéresser des gens. Il s’agissait simplement de ma vie, je n’y voyais rien d’exceptionnel. Mais ils m’ont dit :” Tu rencontres le père de Mickaël Jackson (ndr: véridique!) et Hyde à une soirée 3 mois après ton arrivée au Japon , faut que tu racontes ça sur youtube!” Moi j’étais en mode :” C’est vrai que dit comme ça…” *rires* En fait, j’y avais déjà pensé, mais je ne savais pas à quel public je devais m’adresser: des vidéos pour les japonais, des contenus en anglais avec mon accent douteux *rires*… En fait, j’avais très peur du public français, je ne savais pas ce qu’il pourrait bien penser de mon profil. Ma vie est partie dans tellement de directions différentes, et j’ai eu tellement de coups de chance… Bref, je me suis lancé en janvier 2021 et l’aventure continue depuis.

Tev et Mitsu. Crédit photo: Mitsu

Comment fais-tu tes vidéos?

Je note tout d’abord mes idées de vidéos qui sont en fait des titres, j’en ai des centaines. J’ai d’ailleurs un conseil à donner à ceux qui veulent se lancer sur Youtube: pensez d’abord à vos titres! C’est très important. Ce qui va attirer l’attention, c’est le titre et la miniature (ndr: l’image qui illustre la vidéo quand vous naviguez sur le site). C’est comme pour un magazine: il faut d’abord travailler la couverture Ensuite, je suis très adepte de la technique du pomodoro (ndr: technique de gestion du temps) : 25 minutes de travail, 5 minutes de pause, parce que j’ai du mal à me concentrer. Autre élément important pour les vidéos, c’est le rythme. Donc je répète beaucoup avant. Je le vois un peu comme une pièce de théâtre en fait. Ça me permet de voir si le phrasé est bon par exemple, si le message passe bien. C’est rigolo parce que des fois ma compagne me voit parler comme si j’enregistrais alors que la caméra ne tourne pas *rires*. Le montage représente en moyenne 2 bonnes journées de travail, c’est-à-dire de 5h du matin à 23h. Je prend juste le temps de faire un bisou à ma fille quand je fais une pause.

Mitsu et sa compagne Fanny. Crédit photo: Mitsu.

Quels sont tes sujets de prédilection pour tes vidéos?

Plutôt que de parler de sujets, je pense que j’ai des messages que j’ai envie de faire passer avant tout. La première des choses que j’ai envie d’accomplir, c’est le debunk d’idées faussées sur le Japon. Le risque , c’est qu’à travers notre prisme à nous français, on surinterprète,ou on déforme les choses au Japon. Il existe de nombreux clichés sur ce pays qui sont très forts. J’ai vite compris que mon parcours me permettait d’expliquer pas mal de choses . On a tous une culture qui nous a fait, et qui détermine le regard que l’on porte sur les autres cultures. Plus tu voyages, plus tu te rends compte que ce prisme est en fait très local, c’est presque une construction sociale en quelque sorte. Tout le monde ne voit pas les choses de la même manière que toi à l’étranger. Parfois, on a l’impression que le Japon fait les choses d’une manière un peu farfelue, mais quand on prend en compte les données historiques ou culturelles , ça finit par faire sens au fond. De la même manière, ce que l’on fait en France peut paraître bien étrange aux yeux des autres pays. C’est ce que j’essaie d’expliquer au maximum dans mes vidéos, pour donner les codes aux gens et qu’ils arrivent à prendre un peu de recul.

C’est normal que les gens n’aient pas ces codes, et ce n’est pas grave! Moi, je les ai acquis au fil du temps, en vivant à la japonaise. C’est important de casser certaines idées reçues, comme par exemple: les japonais sont froids, ils sont renfermés etc… C’est totalement faux, j’ai jamais vu des gens aussi gentils et aussi bienveillants dans ma vie!

Le deuxième message que je veux faire passer dans ma chaîne, c’est d’inciter les gens à faire ce qu’ils aiment. C’est en suivant ma passion pour la musique que je me suis retrouvée au Japon et que j’ai vécu toutes ces expériences que je raconte sur ma chaîne. Je ne suis pas musicien à présent, et ce n’est pas comme ça que les gens me connaissent, mais ça m’a amené à vivre tellement de choses différentes. Beaucoup de gens ont des rêves et parfois ne savent pas trop quoi faire . Mon message, c’est faites des choses au moins qui vous plaisent bien, parce que ça peut vous emmener sur des chemins que vous ne soupçonnez pas. Moi, ma vie est l’illustration de ce principe. Je cherche à démystifier qui je suis et ce que je fais: je me contente de vivre ma vie et les expériences qu’elle m’apporte. J’aimerais juste adresser un message d’espoir aux gens en leur disant de faire ce qu’ils ont envie de faire.

Merci Mitsu!

Comme vous pouvez le constater, le parcours de Mitsu illustre bien le principe de l’effet papillon, auquel il a d’ailleurs consacré une vidéo très touchante. Loin des clichés et des poncifs parfois bien ancrés dans les mentalités concernant le Japon, le jeune youtuber par ses vidéos drôles, parfois touchantes, nous permet de mieux appréhender une culture qui parfois échappe à notre grille de lecture française. Vie quotidienne, problématiques sociales, culture… Mitsu aborde des thèmes variés de manière documentée et toujours enrichissante. Une chaîne à suivre d’urgence si le Japon est votre passion! Voici mes recommandations si vous débutez sur la chaîne:

  • L’effet papillon

Une vidéo au ton très personnel pendant laquelle le youtuber revient sur les coups de chance, coups de pouce du destin, rencontres qui ont forgé son expérience.

  • Le scandale Johnny Kitagawa

Retour sur un scandale qui continue à secouer le milieu de l’entertainment japonais: l’affaire Johnny Kitagawa, producteur de musique auteur d’agressions sexuelles sur ses artistes pendant plus de 3 décennies. Mitsu vous parle en détails de ce dossier aux conséquences retentissantes.

  • Immersion dans un lycée japonais

Mitsu retourne sur les bancs de l’école dans cette vidéo drôle et touchante , et nous fait découvrir les coulisses d’un lycée japonais, et ses élèves attachants.

Pour conclure cet article, je tiens à remercier chaleureusement Mitsu qui m’a accordé cette interview, et qui s’est même rendu disponible quelques jours plus tard pour me consacrer une après-midi entière d’entretien. Je le remercie de s’être confié de manière si détaillée et , bien que j’ai du faire une version plus courte au final des propos recueillis, je lui suis très reconnaissante de m’avoir accordé du temps.

Remerciement également à Japan Expo , ainsi qu’à Juliette Faure pour son soutien.

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